Le Rapport sur la liberté d’expression dans le monde classe l’Italie à la 159ème place sur 196. C’est le pire pays européen en ce qui concerne la protection des personnes non-croyantes ou appartenant à des minorités religieuses. Il n’y a presque que les États confessionnels à faire pire

Tu n’as pas de dieu? L’Italie n’est pas faite pour toi. Évidemment, le pays n’est pas aussi dangereux que le Pakistan, l’Arabie Saoudite ou la Mauritanie où les athées sont condamnés à mort, mais seulement un poil tout petit peu plus sûr que le Sri Lanka et qu’une poignée d’autres pays du monde.

Oui, parce que si l’on réfère au Rapport IHEU 2018 sur la liberté d’expression, le Belpaese se situe juste après le Zimbabwe en 159ème position sur 196. En ce qui concerne la protection des droits des non-croyants, aucun pays d’Europe ne fait pire.

Rendu à sa septième édition, le Rapport a été présenté à la chambre des députés italienne par l’UAAR (Union italienne des Athées et des Agnostiques Rationalistes) qui fait partie de l’IHEU (International Humanist and Ethical Union), l’internationale éthico-humaniste qui a publié le volume et qui représente les non-croyants au niveau mondial. La carte mondiale de la répression a été élaborée dans le but d’évaluer, pays par pays, si les lois en vigueur garantissent la liberté d’expression et la liberté de conscience et, le cas échéant, de quelle manière. À cet égard, les dix pires pays pour les athées, les non-croyants et les minorités religieuses sont l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Afghanistan, les Maldives, le Pakistan, les Émirats arabes unis, la Mauritanie, la Malaisie, le Soudan et le Brunei. Alors que les pays plus progressistes sont la Belgique, les Pays-Bas, Taïwan, Nauru, la France, le Japon, Sao Tomé-et-Principe, la Norvège, les États-Unis, Saint-Kitts-et-Nevis.

L’Italie, nous l’avons dit, est bien loin du podium de la laïcité. «Parce que – rappelle l’UAAR – malgré ce qu’impose la Constitution italienne, les discriminations contre les non-croyants (qui sont au moins dix millions dans ce pays) sont quotidiennes et systématiques.» Différents points faibles contribuent à nous faire remporter cette place peu enviable, continue l’UAAR : de l’enseignement de la religion catholique dans les écoles publiques au système inéquitable du «8 per mille»1, du financement public des écoles catholiques à la présence envahissante de l’Église catholique dans les émissions télévisées. «Et puis, il ne faut pas oublier que l’Italie protège tout particulièrement le sacré à travers les lois sur diffamation religieuse. La dernière date de 2006, est c’est une loi sur les cas spéciaux d’outrage qui prévoit jusqu’à deux ans de prison. L’Italie fait aussi partie des pays qui punissent encore le blasphème (art. 724 du code pénal). Cependant, le blasphème ne fait la une des journaux que si le crime est commis à l’étranger et que c’est un chrétien qui risque la prison (ou pire). Il suffit de penser au cas récent d’Asia Bibi, heureusement acquittée par la Cour pakistanaise qui a annulé la peine de mort à laquelle elle avait été condamnée. Certains leaders politiques italiens qui se consacrent à la défense de citoyens étrangers discriminés à cause de leur confession religieuse pourraient faire sourire, si le contexte qui les pousse dans ces batailles était moins dramatique. Il s’agit souvent des mêmes politiciens qui affichent des problèmes d’intolérance évidents envers les immigrés et les migrants (qu’ils laissent tranquillement se noyer dans la Méditerranée ou qu’ils abandonnent à la torture dans les prisons de Libye), et qui adhèrent à la religion dominante du pays. Cette religion à laquelle on doit encore l’existence des crimes de blasphème et de diffamation religieuse en Italie. En élargissant la perspective, le Rapport IHEU montre que dans au moins 71 pays du monde les impies subissent de graves discriminations: dans 46 d’entre eux (pour la plupart, des États islamiques ou des États dont la population est majoritairement musulmane), les discriminations peuvent condamner à la prison, dans sept pays, à la peine de mort. Dix-huit pays criminalisent l’apostasie: dans douze d’entre eux, elle est punie par la peine de mort. En bref, il y a encore beaucoup de chemin à faire pour parvenir à une véritable protection “globalisée” des droits des athées, des non-croyants et des personnes qui appartiennent à des minorités religieuses.»

«Deux réflexions s’imposent à la lecture des résultats qui émergent du Rapport IHEU», affirme Adele Orioli, responsable des procédures légales UAAR, à Left. «La première, sur combien, dans le monde, on soit encore loin de reconnaître le droit à la liberté de religion, surtout quand cette liberté est celle de n’en avoir aucune. Cette distance se concrétise dans un effrayant crescendo de répression contre la dissidence athéiste, qui peut aller de l’amende, qui reste quand même injuste, à la détention, à la torture, et à la mort.» Complice, le silence de la plupart de ceux qu’on appelle les pays occidentaux qui font pourtant de la liberté d’expression et de la liberté de conscience un de leurs bastions constitutionnels. Un silence d’autant plus retentissant, selon Orioli, vis-à-vis d’une minorité comme celle des non-croyants, qui n’est ni organisée ni structurée. « La deuxième réflexion est décidément plus italienne – ajoute la responsable des initiatives légales UAAR -. Il n’est pas surprenant de trouver la Belgique, la France et les Pays-Bas dans le top ten des paradis des athées (par paradis, on entend ici la possibilité absolument terrestre de jouir des mêmes droits que tout le monde). Il n’est pas surprenant non plus que l’Italie en soit absente. Dans le classement en code couleur de la carte qui accompagne le Rapport, la Péninsule remporte un beau jaune vif, à mi-chemin entre les discriminations systématiques et les discriminations graves envers les non-croyants. En dépit des articles 3, 19 et 21 de la Constitution italienne. En dépit du fait que la Cour constitutionnelle de la République italienne définisse la laïcité comme un principe suprême du droit national. Ce Rapport offre donc une double occasion qui peut servir un seul but: la protection du droit humain fondamental, irrépressible et universel, de ne pas croire. Et de pouvoir le dire.»

La carte

Le Rapport 2018 sur la liberté d’expression dans le monde – présenté en Italie par l’UAAR en collaboration avec l’IHEU – montre que les droits humains ont tendance à se soutenir les uns les autres: dans les pays où les athées et les agnostiques sont persécutés, on observe souvent que les minorités religieuses le sont aussi, et vice-versa. Cela vaut également pour l’Italie, pays classé à mi-chemin entre les discriminations systématiques et les discriminations graves envers les non-croyants et les non-catholiques.

Traduzione di Catherine Penn

1 En Italie, lors de la déclaration d’impôts sur le revenu, les contribuables doivent verser 8 ‰ = 0.8% (“huit pour mille”) de leur revenu annuel à une organisation religieuse reconnue par l’État italien ou à un programme d’aide sociale géré par l’État italien.

 

La versione in italiano dell’articolo di Federico Tulli è stata pubblicata su Left del 16 novembre 2018


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Scrivevo già per Avvenimenti ma sono diventato giornalista nel momento in cui è nato Left e da allora non l'ho mai mollato. Ho avuto anche la fortuna di pubblicare articoli e inchieste su altri periodici tra cui "MicroMega", "Critica liberale", "Sette", il settimanale uruguaiano "Brecha" e "Latinoamerica", la rivista di Gianni Minà. Nel web sono stato condirettore di Cronache Laiche e firmo un blog su MicroMega. Ad oggi ho pubblicato tre libri con L'Asino d'oro edizioni: Chiesa e pedofilia. Non lasciate che i pargoli vadano a loro (2010), Chiesa e pedofilia, il caso italiano (2014) e Figli rubati. L'Italia, la Chiesa e i desaparecidos (2015); e uno con Chiarelettere, insieme a Emanuela Provera: Giustizia divina (2018).